L’instant

Téméco
L’instant
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Elle observait quelques couples, des sourires hypocrites, d’autres sincères. Elle aurait voulu caresser ce monde, mais que se serait-il passé si elle avait appartenu à ces mauvaises âmes, ces âmes corrompues qui faisaient l’impasse sur la beauté ? Elle la cherchait, tout comme le bonheur, par une journée sombre, dans les couleurs des parapluies après une averse. La cherchait-elle comme il se doit ? Et que faire si elle tombait dessus ? Qu’est-ce que l’amour et le bonheur ?

Il y avait une âme, un œil, qui semblait aussi éloigné que les profondeurs du cosmos sombre. Ces yeux, qu’elle avait rencontrés à plusieurs reprises, lui donnaient la vivacité de l’amour et la grâce qui la préserveraient. Mais elle évitait ce regard. Pourquoi se cachait-elle ? Pourquoi n’osait-elle pas tout simplement le regarder ? Peut-être que ces yeux étaient ce qui la réveillerait, ce qui lui insufflerait la force et lui apporterait la joie. Mais en vain. Elle n’était pas suffisamment grande. Elle baissait la tête et se méprisait pour son acte misérable. Quelle était la prochaine étape, où allait-elle se rendre désormais ? Elle pensait à leur prochaine rencontre et rêvait d’images sur lesquelles elle se mettrait à parler devant lui, avec lui.. Elle ne pouvait que l’imaginer.

Elle avait souri. Elle avait rougi. Ils s’étaient rencontrés devant une petite boulangerie, et au beau milieu de la foule, elle n’avait pas eu suffisamment de force pour réfléchir. Un torrent de vagues déferlait dans son ventre. Mais ces vagues étaient chaleureuses ! Une certaine tendresse s’était glissée dans son corps et avait dessiné sur son visage un doux sourire. Son cœur battait rapidement. La force du sentiment qu’elle venait de vivre ne pouvait disparaître. Ils s’étaient séparés, comme si de rien n’était. Mais la sensation dans son ventre n’était pas trompeuse. Le sentiment resta présent pendant des jours après cela. Les papillonnements rappelaient un bref moment de joie. La jouissance et une poussée d’énergie lui disaient qu’elle pouvait continuer et le sourire ébauché témoignait de son unicité. Peut-être qu’elle n’avait pas tort. Peut-être qu’elle pourrait à nouveau lui sourire un jour.

Il se souvenait très bien de son regard, dans la foule de personnes affamées, qui sautillaient sur place ou tapaient des pieds, rendant l’atmosphère plus nerveuse et intense. Parmi ces gens de tous bords, il avait soudain remarqué ses yeux noirs. Quelle agréable rencontre d’âmes ce fut ! Pendant un instant, son cœur s’était rempli d’une joie pure. Que signifiait réellement ce joli clin d’œil, et cette lueur dans ses yeux qui calmait ses pensées ? Il doutait de l’amour, il le fuyait. En était-il digne, était-il digne de son regard ? Mais un sourire, un beau sourire lui disait que cette douce rencontre, le rapide pas de danse de ces lèvres roses, signifiait quelque chose. Y avait-il une chance que cet amour se réalise ? Ces sentiments, l’intimité dans ce sourire et cette gentillesse dans ses yeux, n’étaient pas qu’une impression. Les papillons avaient raison, il en était, bien que terrifié, presque certain.

La première vraie rencontre. Le destin avait rapproché ces deux rêveurs. Une soirée fraîche d’automne. Elle était assise sur son banc préféré qui offrait une vue sur une rivière agitée et sombre. Elle soufflait de l’air chaud dans ses mains, essayant en vain de les réchauffer. Elle fredonnait doucement la deuxième strophe de sa chanson préférée, lorsqu’elle sentit la présence de quelqu’un dans son dos. Elle n’y prêtait pas attention, car, comme elle, une vieille dame avait l’habitude de visiter cet endroit. En regardant le reflet de la lune sur l’eau, elle entendit la suite de la chanson qu’elle chantait. C’était une voix masculine, mais une voix douce et grave à la fois. Avant qu’elle ne se retourne, il s’était assis à ses côtés. Rêvaient-ils, rêvaient-ils tous les deux ? Le banc était devenu une source de lumière aux dépens de la lune, une source de bonheur, d’espoir et de foi en l’amour. Les âmes s’étaient réunies et avaient dansé. Elles avaient dansé la plus belle danse jamais imaginée. Désormais, il lui touchait la main, puis l’avait prise doucement et la serrait dans la sienne. La chaleur leur remplissait le corps. Elle posait sa tête sur son épaule et ils regardaient calmement la rivière scintillante. Que la rivière était belle, que la soirée était divine ! Ils étaient libres d’avouer leurs sentiments. Il parcourait ses joues chaudes du bout des doigts, légers tels une plume. Le doux parfum de ses cheveux l’avait transporté jusqu’au paradis. Et leurs lèvres s’étaient enfin rencontrées. Une avalanche d’émotions fortes. Douces et fines, flottantes et silencieuses, les extases de l’esprit et l’explosion de pensées fortes et entremêlées. C’était d’une beauté ! Quel regard portaient-ils désormais sur cette nature idyllique ?

Très rapidement, ils étaient devenus tout l’un pour l’autre. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Tout ce dont ils ne pouvaient que rêver, ce que louaient les plus belles chansons et contes de fées. “Conte de fées”, ce terme ne reflétait pas leur amour. Ils s’étaient trouvés et il y avait eu ce déclic, dans un monde de tromperie, dans un monde d’amour qui ne réchauffe pas, dans un monde où les averses sont synonymes d’épisodes mauvais et ténébreux. Mais sous ces pluies, ils savaient nager. Et ils le faisaient ensemble.

Lorsqu’un cœur souffre, l’autre l’encourage en l’aimant. Le cœur s’était confié à un autre cœur. Le cœur comprend le cœur. Il trouve son repos dans l’amour.

Ils se protégeaient des angoisses qui secouaient les cœurs avec la force d’une tempête, qui aurait pu couler le plus insubmersible des bateaux. Elle éclairait son ciel enténébré, et il ouvrait les bras pour qu’elle se blottisse contre lui. Puis, comme dans un port tranquille, elle se faufilait et y passait la nuit. Elle respirait dans son cou, et il lui donnait les baisers les plus doux. Elle était en sécurité dans cette étreinte.

Toute souffrance était plus facile à vivre lorsque les âmes sont l’une contre l’autre. La puissance du baiser guérissait l’esprit, quand de lourdes larmes coulaient. Chaque blessure était soignée par une âme bienveillante qui y remédiait mieux que tous les médecins du monde. Secrets et désirs parlaient d’eux-mêmes, les premiers étaient partagés, et les autres exaucés. Ils marchaient sur la terre ferme, sur un chemin qu’ils traçaient eux-mêmes, mais leur tête et leurs pensées étaient dans les nuages, non loin des cieux. Ils trouvaient l’un dans l’autre quelque chose qui les poussait vers ces hauteurs, qui les faisait sourire et s’aimer chaque jour. Ils s’étaient confiés l’un à l’autre et s’étaient convaincus qu’il n’y avait aucune raison valable de craindre l’amour. Elle était la réalisation de ses rêves. Il était la réalisation des siens.

Désormais, de temps à autre, ils se pinçaient pour vérifier qu’ils ne rêvaient pas. Ils avaient non seulement trouvé l’amour, mais ils s’étaient également réalisés dans cet amour. Ils respiraient l’amour, ils se taisaient par amour et ils se complaisaient dans l’amour. Les jours et les heures passaient, mais l’amour était intemporel. Il durait et durait. Une longue étreinte, un soutien fort et un baiser d’âmes, qui demeureraient jusqu’à la fin de leurs jours, jusqu’à la fin des temps, jusqu’au dernier souffle de la Terre.

L’autrice

Crédits musique : Love Sprouts by Podington Bear ; December by Kai Engel ; lasonotheque.org

Montage podcast : Marion Roussey