Le télescope et le chien

Téméco
Le télescope et le chien
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Il avait lu cette lettre à plusieurs reprises. Il s’était même mis à retenir les phrases suivantes : “La vie est, mon fils, un perpétuel combat entre le bien et le mal. Ce que tu fais, et la façon dont tu le vis font de toi un homme honorable.” Il n’avait pas vraiment compris ces mots, mais il voulait tant bien que mal en appréhender le sens. Ils figuraient sur une lettre qu’il avait trouvée dans une boîte remplie de photos de famille, probablement celle de la famille de l’ancien propriétaire. Il poursuivait sa lecture : “Garde bien ce que tu as, ainsi tu en seras plus reconnaissant. Ce n’est pas ce que nous avons qui compte, mais notre capacité à le protéger.”

Il était sorti dans le jardin jouxtant la maison. C’était un grand jardin et puisqu’il n’y avait pas d’autres maisons aux environs, il pouvait profiter de cette liberté. Il faisait chaud, même si l’automne était déjà arrivé en grande pompe. Le jeune homme respirait fort, il pouvait sentir la fraîcheur de la rivière dans l’air. Il se dirigeait vers une route forestière, cherchant à comprendre la lettre qu’il venait de trouver.

Il se promena pendant presque une demi-heure, le chant des oiseaux le calmait. Il pensait à son enfance, à cette lettre, à cette propriété qu’il avait achetée.

Sur le chemin du retour, il avait continué de vérifier tous les recoins de la chambre où il avait trouvé la fameuse lettre. Dans cette même boite, il avait trouvé des photos du propriétaire précédent, accompagné d’un grand télescope sur la terrasse. Il pensa que le télescope était probablement hors service et qu’il pourrait le donner à un musée ou même le vendre à un collectionneur ; car il ne connaissait rien à l’astronomie. Des manuels traitant de divers sujets étaient bien rangés sur les étagères. “Cet homme était sans doute talentueux ! » se disait le jeune homme, en pensant à l’ancien propriétaire. Il regardait son horloge, la nuit était sur le point de tomber. Il avait décidé de capter les derniers rayons de soleil et de faire une dernière fois le tour du propriétaire. Au moment où il allait sortir, il n’avait pu s’empêcher de remarquer un chien qui courait gaiement dans son jardin. Il était confus, “d’où viens-tu ? », pensait-il. “Tu t’es probablement égaré », avait-il dit à haute voix comme s’il attendait une réponse. Quand le chien accourut vers lui, le jeune homme remarqua qu’il s’agissait d’un chien qui n’avait pas été laissé à l’abandon, et il le soupçonna d’être perdu. Il se mit à crier “Est-ce qu’il y a quelqu’un ?”, en espérant entendre un passant errant dire qu’il cherchait son compagnon. Mais en vain.

Puisque l’heure du dîner approchait à grands pas, l’homme, aucunement semblable à l’Avare, apporta un bol de lait au chien. Après avoir mis le bol, il regarda à nouveau pour voir s’il y avait quelqu’un qui cherchait le chien. “Mais, comment es-tu arrivé ici ?”, dit l’homme en regardant l’animal qui jouait heureusement avec le bol vide. Le chien aboya une fois au lieu de répondre. L’homme apporta un vieux plaid et le disposa dans un coin pour qu’il n’ait pas froid pendant la nuit. Il retourna à la maison pour préparer le dîner et se reposer. La journée avait été riche en événements, en visites à l’improviste, en recherches dans les chambres spacieuses, sans oublier la promenade dans la forêt avoisinante et une apparition surprenante – celle du chien. “Il retournera sûrement d’où il vient demain, » se disait-il.

La nuit semblait longue, probablement à cause du changement d’environnement, celui-ci était différent. Il avait entendu des aboiements à plusieurs reprises. “Il est encore là”, pensa-t-il au réveil.

Les jours filaient à toute vitesse. Le jeune homme et le chien travaillaient dur. Ils profitaient des jours d’automne, surplombés par un soleil brillant de mille feux. Cependant, la nuit, il entendait encore et toujours les aboiements, une nuit, le chien s’était même mis à hurler de telle manière que l’homme ne put trouver le sommeil. Il était sorti sur le balcon pour vérifier si tout allait bien avec son compagnon et il remarqua la pleine lune, brillant dans le ciel nocturne. Il était fasciné par cette scène et comprit pourquoi le chien hurlait. Il décida d’aller dans la chambre où il avait déterré les affaires du propriétaire précédent. Avec tout le travail qu’il avait en dehors de la maison, il n’avait pas trouvé le temps de se débarrasser de ces choses. Dans une grande armoire, il avait trouvé le vieux télescope, il avait juste à en essuyer la poussière. Il était sorti sur la terrasse et il l’avait déposé sur une table. Maladroitement, il essayait de mettre la main sur cette lune et avait réussi tant bien que mal. Il en était d’autant plus fasciné par sa beauté.  

Jour après jour, il cherchait de nouvelles informations dans de vieux livres sur l’astronomie, en apprenait plus sur le maniement d’un télescope, explorait la position des constellations dans le ciel nocturne. Quotidiennement, le chien l’accompagnait, tel un ami qui s’était présenté à l’improviste, mais décidément parti pour rester. L’homme s’était plusieurs fois rendu dans les villages voisins pour voir si quelqu’un était à la recherche du chien, mais rien. Désormais, il était le sien.

Il se souvenait de cette lettre qu’il avait trouvée en s’installant dans la maison et il pensait avoir compris le sens. Il avait réussi à découvrir le rôle des objets qu’il voulait à tout prix vendre. Le télescope fonctionnait parfaitement, la carte des étoiles était fantastique. Il avait assimilé tant de choses sur la période de visibilité de certaines étoiles. Peu à peu, cette activité était devenue une passion. Il avait atteint son but, celui d’apprendre et d’étudier.

Il remercia le chien tous les jours de lui avoir permis d’acquérir son sens de la vie et, par la même occasion, de lui avoir inculqué l’envie de partager un jour ses connaissances avec les autres.

L’autrice

Illustration : Mustafa Mlinarević

Crédits musique : Baltic Levity by Kevin MacLeod ; DDG (Which Is Drop-Dead Gorgeous, If You Don’t Know) by Good Old Neon ; Lasonotheque.org

Montage audio : Marion Roussey