Le monde après la fin du monde

Téméco
Le monde après la fin du monde
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“Dieu était toujours pyromane. Les cieux étaient toujours en feu.”

I. La synthèse de la lune


J’ai une peau de lézard
L’audience avec des visages peints fait des ovations
et demande un rappel
La tragédie de la vie s’est terminée
Et ce n’était pas moi qu’ils devaient applaudir, je ne connais même pas l’auteur
J’étais seulement au mauvais endroit au mauvais moment
Les créatures solitaires et leurs femmes me posent des questions
auxquelles je n’ai pas de réponses
Le cercle se terminera, un cri et un gémissement
Le monde n’a pas pris fin en 2012 ?
Je ne me sens plus la même
depuis que le monde a dérivé d’un degré
Les morts fantômes de mon passé qui n’ont pas oublié
mon numéro de téléphone
Le silence de la nuit étoilée.

II. Sybil, qu’est-ce que tu veux ?


Tu ne m’as jamais emmenée au cinéma
Tu as travaillé de longues heures, toutes les nuits, et j’ai dormi tous les jours,
j’ai dormi toute ma vie
La dure vie des gens qui travaillent dur
Mangeurs de vermines, mangés par les vermines
Les gens pathétiques qui aiment la tragédie
Alors, allez aux théâtres, je n’en ai pas le temps
Oublie ton prénom, tue tes ancêtres et viens avec nous
Le vide demeure après la disparition de l’homme.

III. Opium de rêves


Mon père m’a abandonnée quand j’avais 6 ans
Je suppose que je dois trouver quelqu’un d’autre à blâmer
C’est toujours plus facile de blâmer les autres (mais c’est plus amusant de se blâmer soi-même)
Les dimanches matins des premiers jours d’été n’étaient pas les mêmes sans lui
Tout s’est arrangé à la fin,
bien que tu m’aies menti quand je t’ai demandé ce qui n’allait pas
Il travaillait tous les jours, sans un jour de congé
et, parfois, je suis venue et je l’ai aidé
Rends-moi tous mes mots et ma peine et je te rendrai tes poèmes
Les mots sont redondants, ils ne nous donneront pas les réponses que nous voulons
Laisse-moi derrière, je te jure que j’irai bien
Je ne peux plus courir après toi.

IV. Les araignées dans les étoiles


Je t’ai raconté la fois où j’ai pris tous ces somnifères
et décidé que je voulais vivre ?
La vie est une blague, mais, au moins, c’est drôle
Dieu, je déteste quand tu ne peux pas plaisanter,
tu suis toujours mes indices
Traînant lâchement selon un schème prémédité
Personne ne célèbre le début de l’été non plus
Pourquoi dois-tu travailler aujourd’hui, papa ?
Allez, ris avec moi
La prédestination lutte contre la liberté de Sartre
dans tous les univers parallèles, une ancienne bataille sans vainqueurs
Même mon double m’a laissée seule ici
J’entends sa voix la nuit, au-dessus du mur de ma cuisine
La réalité commence à se dissoudre
comme les coins blanchis d’un vieux Polaroid
Je perds la raison et je la donne à la charité
Une seconde dans cette étoile de la mort
Une décennie sur la planète où les étoiles de la mort vont mourir
Je vais demander à l’auteur ce que tout cela voulait dire quand je le verrai.

Références
– Jacques Derrida, “Béliers : Le dialogue ininterrompu : entre deux infinis, le poème”
– Andrea Gibson “Pole Danseuse” (“God has always been an arsonist. Heaven has always been on fire” [traduction libre])
– S. Eliot, “Rhapsodie d’une Nuit venteuse”
– Petronius Arbiter, “Satyricon”
– Michel Foucault : “Remarks on Marx” (‘ The void left by the absence of men’) [traduction libre])
– Henry Miller, “Printemps noir”
– Jack Kerouac, “Sur la route”

L’autrice

Illustration : Lucija Malić

Crédits musique : s.t.m by etc. ; still has it by etc. ; Tikopia by Kevin MacLeod, Lasonotheque.org

Montage audio : Marion Roussey