Il était une fois un vieux village abandonné qui n’abritait que des animaux. Ils coexistaient tous ensemble, mais Milou était le plus respecté et le plus âgé d’entre eux. Il était leur meneur.
Après un repas en plein après-midi, Milou alla se reposer dans son endroit de prédilection. Il enracina son corps douloureux sous la couronne d’un vieux noyer traversé par les rayons du soleil. Il profitait du chant des oiseaux, du bruit du ruisseau et presque rien ne pouvait contrarier sa paix. Soudain, un bruissement se fit entendre. Il tendit l’oreille et essaya de deviner ce qui pouvait ainsi troubler son sommeil. Il ne pouvait discerner l’origine de ce son. En raison de son âge avancé, Milou n’entendait plus très bien et c’est pourquoi il n’eut cure de ce bruit confus. Aussitôt, un petit moineau visiblement effrayé apparut devant lui et à bout de souffle, dit :
– Allez, bouge-toi ! N’entends-tu pas ce bruit horrible ?
– Doucement, quel bruit ? Dis-moi calmement ce qui se passe, demanda le vieux chien en étirant ses pattes.
– Je ne sais pas qui il est. Je sais seulement qu’il est venu au village ce matin et qu’il est très jeune. Et puis il est tombé sur ce chaton gris, répondit le moineau.
– Mais qui est venu et pourquoi, je ne vois pas d’où tu veux en venir ? demanda Milou.
– Un nouveau chien. Personne ne sait qui il est ni d’où il vient. Allez, vite ! Sauve-le au plus vite ! hurla le moineau.
Il prit la route en traînant la patte vers la vieille maison où vivait le chaton gris. Mais en arrivant, Milou comprit que la situation était sérieuse, de nombreux animaux s’étaient attroupés autour de la maison. En voyant Milou, tous lui firent de la place afin qu’il puisse passer. Le jeune chien aboyait furieusement et sans cesse sur le chaton.
– Qu’est ce qui se passe ici ? Pourquoi tu t’en prends à cette petite créature ? demanda Milou.
– Il m’a attaqué le premier. Pendant que je dormais devant cette maison, il est sorti de nulle part et a commencé à toucher ma queue. Je hais les chats ! hurla le jeune chien.
– Bon, calme-toi. Pourquoi tu les détestes ? l’interrogea Milou.
– Parce que ce sont des êtres égoïstes qui nous causent beaucoup de tort. Tous les mêmes, répondit le chien, enragé.
Milou comprit que le jeune chien était confus et apeuré et alors il lui dit :
– Bon, je veux bien admettre que chiens et chats ne font pas toujours la paire, mais tu ne le connais même pas. Ce n’est qu’un chaton, ne te mets pas dans tous ces états.
Le jeune chien réalisa qu’il était seul contre tous et décida de prendre la fuite. Les jours passèrent et aucun ami à l’horizon. Les autres animaux l’évitaient aussi. Un beau matin, après que tristesse et solitude se sont amoncelées pendant des jours autour de lui, le chien se mit à pleurer. En traversant la rue, le petit chaton gris le vit et décida de l’approcher. Légèrement effrayé il lui demanda :
– Pourquoi tu pleures ?
– Qu’est-ce que tu fais ici ? Laisse-moi tranquille ! dit le jeune chien.
– Tu vois ? J’essaye de faire ta connaissance et tu t’agaces. Voilà pourquoi tout le monde t’évite.
– Je suis triste parce que je n’ai pas d’amis. Pourquoi tu es venu chez moi ? Tu n’as pas peur de moi ?
– Pas du tout. Je sais que tu ne veux pas me faire de mal. Ce jour-là, j’ai moi aussi fait une erreur en te réveillant. J’ai une chose à te proposer. La saison des pluies arrive, donc tu ne peux pas dormir en plein air et j’aimerais t’inviter chez moi…
Le jeune chien, surpris par la gentillesse du chaton, accepta son offre. Il lui présenta ses plus plates excuses et le chat fit de même en retour. Avec le temps, ils devinrent bons amis. Un beau jour, en passant devant leur maison, Milou les vit jouer. Ravi de les voir ensemble, il s’approcha du jeune chien et lui dit :
– Félicitations ! Tu t’es trouvé un ami. Je savais que tu n’étais pas un mauvais chien dans le fond et que tu allais finir par comprendre.
Confus, le jeune chien le regarda et puis demanda :
– Qu’est-ce que j’étais censé comprendre ?
– Tu es encore jeune, mais tu apprendras. Maintenant, tu as réalisé que nous sommes tous différents et que chacun a sa propre nature. Il ne faut donc pas juger quelqu’un en te fiant aux histoires des autres ou parce qu’il est différent de toi. Il faut aller vers les autres, faire leur connaissance et les respecter.
L’autrice
Illustration : Doris Bakula
Crédits musique : Narcissus smells like headache by Monplaisir ; Arthur Pryors Band – The Whistler and His Dog ; Lasonothèque.org
Montage audio : Marion Roussey