Confessions d’un chien

Téméco
Confessions d'un chien
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Hier, j’ai regardé intensément le chat du voisin, incapable de le chasser dans le jardin. Je l’observais, triste et impuissant, alors qu’il se promenait sous mon nez. En soupirant, j’ai fermé les yeux pendant un moment, où je me suis souvenu de ces poursuites glorieuses, comme si rien d’autre au monde n’existait et qu’il n’y avait rien au monde que cette course à la vie et à la mort. « Que faire ? », me suis-je demandé. J’étais désespéré. J’avais mal partout. J’ai à peine bougé ce matin. Les membres endoloris mais l’âme pleine de souvenirs, c’est ce qui fait le plus mal.

Puis il est apparu. Il s’est tenu au-dessus de moi et m’a doucement chuchoté : « Ne sois pas triste, tu as trop couru après les chats. Repose-toi un peu, mon ami”. La caresse de sa main sur ma tête fatiguée était à la fois lourde et douce, comme s’il partageait ma souffrance. « Peux-tu te lever, Uki ? Allons-y, je te porterai.’’ Les yeux fermés dans ses grands bras chauds, j’imaginais la clôture et les arbres, en entrant dans la maison chaleureuse et si connue. La couverture douce sur laquelle je me suis allongé m’a délesté de toutes mes responsabilités. Il me caressait le museau en me demandant quelque chose mais cette fois, je n’étais pas sûr de comprendre. Je me sentais tellement fatigué. Ses bras devenaient de plus en plus fins, sa voix silencieuse et distante. Je ne me souviendrai que des belles images. Vous ne pouviez les voir que dans la tête folle d’un chien. « Je t’emmènerai chez le médecin, petit », disait-il d’une voix souffrante. « Demain, dès l’aube. » J’ai fermé les yeux comme si j’étais d’accord. À ce moment-là, je ne pouvais rien faire d’autre. Si seulement je pouvais lécher sa main. Chaque mouvement me semblait aussi difficile qu’un voyage vers la Lune.

Le matin a mis si longtemps à se lever. J’ai à peine ouvert les yeux qu’il me regardait et qu’il était là pour moi. Il m’a mis dans la couverture et m’a emporté. Je n’avais pas réussi à finir mes besoins dehors. Je les ai finis dans la couverture. Il a juste souri en démarrant la voiture. Je ne savais même pas où nous allions, ni ce qui se passait. J’ai vu un homme habillé en blanc qui me caressait et qui m’ouvrait les yeux en me disant quelque chose à moi et quelque chose à lui. Là encore, je me suis à nouveau endormi et j’ai pensé aux temps insouciants du passé. Je voyais défiler les images comme des perles qui s’alignent, et qui nourrissent l’âme et le corps. À un autre moment, je me suis réveillé dans mon coin de la maison, où j’ai vu de nombreux visages déjà connus. L’un d’entre eux, avec un plus grand sourire, m’a donné une tape de la main en souvenir de notre longue amitié. Je savais que maintenant j’avais quelqu’un qui resterait avec moi jusqu’à la fin de l’histoire.

Qu’est-ce qu’un chien pourrait vouloir de plus que de chasser le chat d’un voisin encore une fois ?

L’autrice

Crédits musique : Lake Victoria by Podington Bear ; Violins by File Under Toner ; Lasonothèque.org

Montage audio : Marion Roussey